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À tous les Orus du monde.

Dernière mise à jour : 8 mai


« Je ne m’appelle pas, personne ne m’appelle plus depuis bien des hivers. Je suis l’oublié, murmurant sous les ténèbres de l’indifférence. Pourtant, j’étais l’écho, le souffle d’Orus, gambadant, insouciant sur les vastes étendues de l’amour. Autrefois, bien avant que les draps obscurs de l’abandon ne me couvrent, je dansais parmi les fleurs, les papillons courtisaient ma truffe et le miel, mes babines. J’offrais les battements de mon âme aux rivières, j’étais l’époux du vent, de la terre et du soleil levant. À l’heure tendre de son sommeil, je lui murmurais les caresses de la gratitude retrouvant mon lit douillet à l’âtre d’une cheminée. J’écrivais le crépitement reposant de son feu naissant sur les pages de mon cœur.

Et puis, surgissant d’un horizon lointain, une sombre armée s’est approchée sans clameur. La porte, gardienne de mes nuits, n’a pas eu le temps d’hurler aux loups, un éclair avant son bruit s’est abattu sur mon petit corps endormi par le doux bercement de mes rêves. Elles étaient là, toutes unies dans un projet machiavélique, la tristesse, la trahison, la douleur, l’angoisse, la solitude, la maladie, l’abandon. Ce ciel si tendre, jadis complice de mes songes, m’avait alors déserté. Comment avait-il pu me faire cela, lui qui était mon ami, mon confident, mon précieux compagnon de vie. Allais-je survivre ? Submergé par les tourments, la pluie même enviait les rivières qui parcouraient mon corps. Je me perds à présent dans la contemplation de ses astres qui ne brillent plus pour moi, confiné dans une demeure d’acier. La porte, qui par le passé chantait les vastes prairies, ne s’ouvre désormais que pour me prêter un instant de survie, un lambeau d’espoir dans lequel je me blottis. Que l’on m’accorde une dernière croquette, une offrande magique et je m’enfuirai vers ce paradis volé ! Je grondais, ma colère, grattant ses grilles qui m’avaient emporté loin de toute liberté, jusqu’à m’en saigner celles qui poétisaient l’amour. C’est alors qu’un petit médaillon qui ne m’avait jamais quitté jusqu’à présent fit son apparition sans bruit sur le sol froid de mon box. « Tu es unique, je te veux fort, tu seras ma voix, je serais ton berger, ne crains point, mais crois seulement ». Je me suis effondré, réalisant combien je m’étais trompé sur mon sort. Non, je n’avais en rien été abandonné, un père bien plus grand que l’univers tout entier veillait sur moi, il connaissait ma peine, il la partageait, il était là.

Depuis tout ce temps, je n’avais pas entendu le destin de mes frères d’âme, ceux qui n’avaient jamais foulé ne seraient-ce qu’une seconde la douceur d’une herbe mouillée. Le ciel caressait mon cœur, une heureuse aventure m’attendait, je serai la voix de ceux qui n’en ont pas, je leur offrirai sous peu les bras chaleureux d’une famille aimante. Quoique toujours prisonnier, j’effleure déjà la porte qui s’ouvrira bientôt vers la joie profonde de leur venir en aide."


David Banville

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